Les Lauréats "Disséminés", un an après (1/3): AFA Madagascar

Rencontre avec Michou Andriamadimanana, Nancy Charles-Emile, Gracia Ramaroson, Tahina Rasolondraibe et Prisca Randrianasolo, co-fondatrices et membres de l’association, responsables de la Maison d’Aveugles primée au concours “les Disséminés”.

Bonjour ! Parlez-nous un peu de vous et de votre institution, la maison d’aveugles portée par l’association AFA ?

L’association AFA est basée en Suisse, en France et à Madagascar. Voilà bientôt 4 années que nous soutenons les enfants et les familles démunies de Madagascar et luttons contre l’injustice avec toute notre force et les moyens à notre disposition. Par le biais de parrainages scolaires, notre objectif premier était de permettre aux enfants démunis d’aller à l’école, en sollicitant la solidarité des familles européennes. Les choses se sont mises en place simplement suite à un voyage à Madagascar en 2017. Notre dernier projet en date, soutenu par votre Société, concerne l’établissement d’une maison pour personnes malvoyantes et aveugles, une population très précaire et marginalisée que nous aidons déjà sur place. Ce sont maintenant 15 bénéficiaires, et bientôt plus, que nous hébergeons et nourrissons.

A cause de la crise COVID, nous n’avons pas encore pu mener à bien tout le projet, notamment dans sa dimension de rénovation du bâtiment et des infrastructures manquantes, mais nous reprendrons les travaux dès que nous le pourrons.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous investir dans cette aventure ?

Nancy : Je n’ai pas vraiment eu l’impression de devoir choisir de m’investir à AFA. Le besoin des enfants et des populations fragiles s’est présenté à moi alors que j’étais en voyage à Madagascar. Le simple fait de me dire que j’aurais pu être à la place de chaque enfant malgache que je croisais me faisait quasiment pleurer à l’époque. J’ai mis du temps à accepter que ces gens vivaient autant d’injustice simplement parce qu’ils sont nés avec des conditions qu’ils n’ont pas choisies, et qu’à côté ma vie était autre. Ce contraste-là est venu me chercher. J’ai réalisé qu’au lieu de rester dans cette émotion étrange, je pouvais l’utiliser pour me mettre en action et aider mon pays. Et ce qui est encore mieux c’est qu’on peut le faire en équipe, et ça c’est la cerise sur le gâteau. Les témoignages de vies transformées que nous recevons de temps en temps nous encouragent à continuer et donnent du sens à chaque action que nous posons.

Prisca : Je suis tout à fait d’accord avec Nancy, et j’ajouterai un autre élément essentiel pour nous : la dimension spirituelle de notre engagement. AFA a été fondé par des chrétiennes engagées, cela nous a semblé essentiel pour être en accord entre nous sur les priorités. Nous devons être auprès des autres et les aider là où ils se trouvent, et notamment les plus petits. Cela concerne donc les enfants, et c’est à ce titre que les bénévoles ont monté sur place un club pour les jeunes du quartier, qui viennent chaque semaine pour étudier la Bible de façon ludique et profiter d’un petit goûter ! Mais cela concerne aussi des communautés fragiles, comme les aveugles, qui ont besoin que l’on mette des choses en place pour améliorer leur conditions de vie. Dans les deux cas, nous avons envie de porter une vision durable, qui aura un impact à long terme.

Tahina : nous avons la chance d’être toutes portées par notre foi et par une vision commune ancrée dans la gratitude d’avoir eu la chance d’être éduquées, de vivre en sécurité…Il nous paraît normal de donner à notre tour, de lutter contre les injustices sociales, et d’éduquer nos enfants à se mettre au service de la dignité humaine.

Pourriez-vous nous décrire le projet qui a été soutenu par la SGPD ?

En juin 2020, le projet « maison d’accueil pour personnes malvoyantes et aveugles » a été présenté dans le cadre du concours Les Disséminés. Il s’agit d’une initiative de l’association AFA qui a pour but d’aider les personnes malvoyantes à se réinsérer professionnellement en leur offrant un espace de vie où elles seront hébergées, nourries, protégées et accompagnées dans leur cheminement spirituel. Nous avons été très heureuses et honorées d’apprendre que notre projet faisait partie des lauréats, et nous remercions vivement la Société pour son si généreux soutien.

Quelles sont vos perspectives pour l’avenir ?

Sur le court terme, l’alimentation demeure toujours notre première préoccupation. Nous tenons à ce que ce besoin le plus élémentaire soit assuré mais ces derniers mois, nous avons éprouvé quelques difficultés pour remplir cette mission. L’approvisionnement en riz par les bénévoles locaux était compliqué, et nous l’avons donc pris en charge depuis l’Europe en urgence. La sécurité et l’autonomie alimentaires demeurent précaire sur place, et nous projetons donc d’acheter un terrain qui permettra de cultiver notre propre riz. Nous aimerions aussi améliorer nos infrastructures, notamment électriques.

Avec le président de l’association des aveugles de Fianarantsoa nous réfléchissons à la mise en place d’un programme d’insertion qui les orienterait vers une activité économique selon leurs compétences et leurs passions, avec toujours en tête cet objectif d’autonomisation maximale des personnes que nous aidons.

Enfin, les deux accompagnatrices du site vont quitter prochainement leur poste ; nous devons donc trouver rapidement des personnes fiables pour les remplacer sur le long terme. Pour le recrutement, nous souhaitons engager des membres des églises locales, qui seront payés et formés pour leur travail.

La crise sanitaire liée au COVID a plongé de nombreuses personnes à travers le monde dans des situations tragiques, comment se portent la communauté de la maison et les bénévoles de l’association ?

Cette crise sanitaire a été une traversée difficile pour la communauté d’AFA. Les besoins alimentaires se sont accrus pour plusieurs familles qui étaient déjà en difficulté, ce qui a entraîné plus de levées de fonds et de distributions. Le confinement et la fermeture des frontières régionales ont empêché l’arrivée d’une nouvelle bénéficiaire à la maison des aveugles. Elle et son futur bébé sont actuellement dans l’attente de l’ouverture des frontières pour pouvoir venir sur place. Du côté des bénévoles, le Covid a touché plusieurs membres de l’équipe dont une responsable régionale à Madagascar qui y perdit la vie, ainsi que l’un des principaux fondateurs de l’association AFA Madagascar, Ndriana Ramamonjy. Il était un père pour beaucoup et laisse derrière lui un bel héritage de générosité et un exemple d’une vie au service des enfants orphelins. Nous tenons cependant à souligner l’élan de générosité des donateurs qui ont répondu présents pour les levées de fonds, ainsi que l’attitude résiliente d’une bénéficiaire de la maison des aveugles, Adeline, qui a entrepris pendant cette période, et malgré sa situation personnelle difficile, une nouvelle activité économique en vendant une pâtisserie malgache à base de feuille de bananier.

Que vous inspire cette solidarité qui vous lie à notre société genevoise historique active depuis 178 ans ?

La solidarité manifestée par la Société genevoise nourrit notre espérance en Celui qui se rend proche de ceux qui sont loin et marginalisés. En l’occurrence, ici il s’agit des aveugles de Fianarantsoa. Nous sommes reconnaissants d’être les témoins et bénéficiaires de cette oeuvre qui a traversé le temps depuis 1843, les frontières et les cultures. Il est encourageant de se savoir tous liés les uns aux autres par notre foi commune et animés par le même désir de servir les plus faibles. Nous remercions la Société d’être les porteurs de ce message d’espoir et de solidarité pour soutenir des projets et des communautés d’ici et d’ailleurs.

Merci Mesdames pour vos réponses.

Les témoignages de vies transformées
que nous recevons de temps en temps
nous encouragent à continuer et donnent
du sens à chaque action que nous posons.
— Les co-fondatrices et membres de l’association AFA-Madagascar / Maison d'aveugles
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